Sa désignation comme vizir (dès le début de l'Islam)

Mohammad se proclame Prophète

La quatrième année de sa Mission, le Prophète Mohammad reçut l'ordre d'Allah d'avertir ses proches parents : "Avertis tes plus proches parents" (Sourate al-Cho`arâ', 26 :214). Aussi les invita-t-il tous à un entretien dans le but d'exécuter le Commandement d'Allah. Un banquet consistant en une grande tasse de lait avec un pain d'un ça' (environ trois kilos) de farine de blé et de viande avait été préparé par `Ali conformément aux instructions du Prophète. Quarante personnes de ses proches parents, les `Abdul-Muttalib, répondirent à l'invitation. Les oncles du Prophète, Abû Tâlib, Al-`Abbâs, Hamzah et Abû Lahab étaient parmi les invités. Mohammad leur servit ce repas apparemment sobre et le goûta lui-même en le commençant par l'invocation du nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux. Ils le suivirent tous et mangèrent à leur faim; mais à la surprise générale, rien ne fut entamé, tout semblait rester tel qu'il avait été servi. Abû Lahab se leva alors en s'écriant que Mohammad les avait tous ensorcelés. La réunion fut ainsi rompue. Mohammad ne put prononcer un mot, car ils étaient tous partis. Mais il les invita à nouveau pour un entretien semblable. Cette fois-ci il s'adressa à eux comme suit : "Ô fils de `Abdul-Muttalib ! Je ne connais personne en Arabie qui ait apporté à ses proches parents une chose plus excellente que ce que j'ai apporté pour vous. Elle vous servira dans cette vie et dans la vie future. Me croiriez-vous si je vous disais qu'un de vos ennemis vous attaquera le jour ou la nuit ?" Ils répondirent en chœur qu'ils le croyaient être un homme véridique. I1 dit alors : "Sachez donc tous qu'Allah m'a envoyé pour guider l'homme dans le droit chemin, et qu'I1 m'a ordonné d'appeler tout d'abord mes proches parents, de les inviter à Sa Sainte Volonté et de les avertir de Sa Colère. Vous avez vu le festin miraculeux auquel vous avez assisté, ne persistez donc pas dans votre infidélité ! Ô fils de `Abdul-Muttalib ! Allah n'a jamais envoyé un Messager sans qu'il ait désigné son frère, héritier et successeur parmi ses propres parents. Qui va donc m'assister dorénavant dans ma noble tâche et devenir mon frère, mon héritier et mon successeur ? Il sera à moi ce que fut Haroun à Musa (Moïse)".

Mohammad proclame `Ali comme son Successeur

Mohammad qui venait de prononcer son discours avec une ferveur religieuse fut déçu de voir toute l'assemblée garder le silence, quelques-uns étonnés, d'autres souriant avec un air d'incrédulité et de dérision.

Personne n'était prêt à l'accepter comme guide spirituel. Mohammad semblait compatissant à leur égard. A ce moment critique, `Ali, le cousin favori du Prophète s'avança. Mais Mohammad lui ordonna d'attendre jusqu'à ce que quelqu'un de plus âgé s'avance. Le Prophète essaya en vain trois fois. A la fin, `Ali, n'appréciant pas l'attitude ridicule adoptée par, l'assemblée, s'avança impatiemment pour la troisième fois, et déclara avec enthousiasme que, non seulement il croyait Mohammad Prophète de Dieu, mais aussi il s'offrait corps et âme au bon plaisir du Prophète : "Ô Prophète, dit-il. Je suis l'homme (que tu cherches). Quiconque se lève contre toi, je lui casserai les jambes et l'éventerai. Ô Prophète ! Je t'assisterai et je serai ton vizir auprès d'eux". Sur ce, Mohammad, lançant ses bras autour du généreux jeune homme et le pressant contre sa poitrine, s'écria : "Voilà mon frère, mon lieutenant et mon successeur (ou Calife). Ecoutez-le tous et obéissez-lui". Ayant entendu ces propos, toute l'assemblée exhorta Abû Tâlib avec un rire de mépris bas et ironique, à se plier devant son fils `Ali et à lui jurer obéissance. Ainsi les invités de Mohammad se dispersèrent-ils avec de la haine dans le cœur et de l'ironie sur le visage.

Dans son livre "Heroes and Hero-Worship" (Héros et culte des héros) Thomas Carlyte écrit : "L'assemblée se dispersa dans le rire. Pourtant il n'y avait rien de risible : tout était très sérieux. Quant à ce jeune `Ali, on ne peut que l'aimer. Une créature noble d'esprit : comme il le montra sur le moment et par la suite, c'était un homme affectueux et d'un courage enflammé. I1 y avait quelque chose de chevaleresque en lui : il était courageux comme un lion et digne de la chevalerie chrétienne".

Mohammad Prêcha en Public

Mohammad ne fut pas du tout découragé par le traitement dédaigneux que lui avaient réservé ses proches. Il se mit à prêcher publiquement à la Mecque. Il put, grâce à son air naturellement noble, son habileté plaisante et ses manières agréables, réussir toujours à rassembler autour de lui un grand nombre d'auditeurs. Et tant qu'il prêchait les croyances de l'Islam - c'est-à-dire : reconnaître Un Seul Vrai Dieu, le Tout-puissant, le Juge Omniscient de l'humanité, se soumettre à Sa Volonté et se vouer à Son adoration en accomplissant les prières, en faisant l'aumône, et en se conduisant d'une manière honnête et droite conformément à Ses Commandements - les assistants l'écoutaient avec patience et attention. Mais dès qu'il aborda le sujet inévitable du rejet du polythéisme et de l'idolâtrie, et dès qu'ils constatèrent qu'il parlait légèrement de leurs dieux et de leur adoration impie, ils se mirent à le conspuer et à l'insulter, mais il continua patiemment ses prêches qui, malgré toute l'opposition qu'ils rencontrèrent finirent par être payants.

Mohammad est Indirectement Attaqué

Mohammad continua à gagner du terrain, bien qu'à très petits pas. Quelques personnes, dont un membre des Umayyades en vue, `Othmân fils de `Affân, embrassèrent sa foi. Les Quraych, et notamment le clan des Umayyades qui vouait une vieille inimitié aux Hâchimites, s'en alarmèrent. Mais ils n'osaient pas s'attaquer franchement à Mohammad à cause de la protection d'Abû Tâlib. Lui nuire sérieusement les impliquerait nécessairement dans des conflits familiaux, risque qu'il ne fallait pas prendre à la légère. Aussi élaborèrent-ils un plan visant à mener un combat indirect mais efficace contre Mohammad, de l'intérieur même de sa famille. Abû Lahab - le seul Hâchimite opposé à Mohammad et l'ami intime des Umayyades, ayant épousé une sœur d'Abû Sufiyân, leur chef - en accord avec sa femme, obligea ses deux fils `Otbah et `Otaybah à divorcer de leurs femmes respectives, Om Kulthûm et Roqayyah qui étaient les filles de Khadîdja - nées de son premier mari - et les belles-filles de Mohammad, et qu'ils avaient épousées longtemps avant que Mohammad ne se proclamât Prophète. Mohammad dut souffrir beaucoup de ces troubles familiaux. Mais Roqayyah ne tarda pas à se marier avec Othmân Ibn Affân et plus tard après sa mort, sa sœur Om Kulthûm, se maria avec lui aussi.

Les Persécutions

Sans trop se soucier des affaires domestiques, le Prophète poursuivit sa mission avec plus de ferveur que jamais. Les Quraych commencèrent à réagir violemment à son action et à s'opposer vigoureusement à ses enseignements et innovations. Ils l'insultaient publiquement, jetaient de la poussière et de la saleté sur lui pendant qu'il priait, criaient à tue-tête, sifflaient ou chantaient des chansons frénétiques pour couvrir sa voix lorsqu'il prêchait. Mais à leur grande déconvenue ils ne purent le décourager. Ayant échoué dans leurs tentatives de réduire au silence Mohammad, par les mots, les menaces, les insultes et les attaques, ils essayèrent de le pacifier en lui faisant miroiter fortune, pouvoir, position ou mariage avec la plus belle femme. Mais il rejeta avec dédain toutes ces offres.

Violences contre les Adeptes de Mohammad

Constatant que tous leurs efforts avaient été vains, ils se mirent à utiliser la violence contre ses adeptes et à les traiter avec mépris. Les principales victimes de ces violences parmi ses adeptes furent ceux qui n'avaient aucune position indépendante ni aucun soutien familial pour les défendre. C'est sur eux que les Quraych vidaient leur colère. Ils étaient détenus et emprisonnés. Quelques-uns furent enfermés dans des cottes de mailles et allongés sur les sables arides sous le soleil brûlant de midi. La torture infligée par le métal chauffé par le soleil torride au-dessus d'eux et par le sable brûlant au-dessous, est difficilement descriptible. Les esclaves convertis des Quraych, qu'ils fussent hommes ou femmes, étaient traités impitoyablement par leurs maîtres qui les torturaient brutalement et les frappaient sauvagement. Par exemple, `Omar Ibn al-Khattâb avait l'habitude de frapper son esclave, une femme, dénommée Lobaynah, jusqu'à ce qu'il fût fatigué lui-même. Bilâl, l'Africain, un converti, esclave de Omayyah ah Ibn Khalf, fut torturé cruellement, exposé au grand soleil de midi, allongé sur le gravier brûlant de la vallée mecquoise. Lorsque le tourment était aggravé par une soif insupportable, on exigeait du malheureux supplicié de reconnaître les idoles de la Mecque; cependant Bilâl refusait d'abjurer, et du fond de son angoisse, il criait : "Ahad ! Ahad !" (Un, Un le Dieu Unique !). Mohammad (Que la paix soit sur lui et sur sa Famille), ayant appris son malheur, fut tellement apitoyé sur son sort qu'il décida de l'arracher aux tortures en le rachetant. Yâcir et sa femme Somayyah, ayant refusé catégoriquement d'abjurer, furent torturés à mort par les Quraych. Somayyah avait été attachée à deux chameaux et cruellement transpercée par une lance. Leur fils, `Ammâr, lorsqu'il fut torturé et forcé d'abjurer, ayant peur de partager le sort insoutenable de ses parents qu'il avait vu mourir de ses propres yeux, et désirant échapper à une mort certaine, finit par obéir aux exigences de ses tortionnaires, bien que son cœur ne s'accordât pas avec sa langue. Le Prophète ayant été informé que `Ammâr avait renié la foi, dit que cela était impossible, car `Ammâr était imprégné de foi, du sommet de la tête jusqu'à la plante des pieds, la foi étant fusionnée dans son sang et sa chair. Lorsque `Ammâr réapparut devant lui, pleurant et poussant des cris de regret, le Prophète récita ces paroles du Coran : "Celui qui renie Dieu après avoir cru - sauf celui qui le fait par contrainte et dont le cœur reste ferme dans la foi (...) la colère de Dieu est sur lui et un terrible châtiment l'atteindra" (Sourate Al-Nahl, 16 :106). Il essuya les larmes sur le visage de `Ammâr et le consola en lui disant : "'Tu n'es pas coupable, s'ils t'y ont forcé".

L'Emigration en Abyssinie

Dans de telles circonstances, il n'était plus possible pour les adeptes de Mohammad de vivre en paix plus longtemps à la Mecque, et il n'était plus raisonnable pour lui de poursuivre ses prêches dans une ville où ses auditeurs risquaient d'être attaqués. Aussi conseilla-t-il à ses adeptes qui n'avaient pas de protection à la Mecque de chercher refuge et pays d'exil ailleurs. L'Abyssinie fut l'endroit proposé à cet effet, et accepté unanimement. Conformément à cette décision, un groupe de onze hommes et quatre femmes, dont Othmân et sa femme Roqayyah, fuirent vers ce pays au mois de Rajab de la cinquième année de la Mission (environ 615 A.J.). Ils furent reçus avec une bienveillance remarquée par Najâchî (le Négus), le Roi chrétien d'Ethiopie, qui embrassera lui-même l'Islam et deviendra un adepte de Mohammad un peu plus tard.

Encouragé par cet accueil aimable des réfugiés en Abyssinie, le Prophète permit à d'autres adeptes d'y émigrer pour avoir la vie sauve. Par conséquent, trente hommes et dix-huit femmes quittèrent la Mecque individuellement ou par petits groupes et se rendirent en Abyssinie. Ja`far Ibn Abî Tâlib les suivit avec cinquante autres personnes. Ainsi cent treize réfugiés arrivèrent sains et saufs en Abyssinie.

Une délégation de Quraych en Abyssinie

Les Quraych se sentirent déjoués par la fuite des convertis en Abyssinie; aussi décidèrent-ils d'envoyer une délégation dirigée par `Amr Ibn al-`Âç et `Abdullah Ibn Omayyah, et munie de cadeaux coûteux au Roi d'Ethiopie. `Amr et `Abdullah se prosternèrent tout d'abord devant le Roi en signe de respect et ouvrirent ensuite leur mission par la présentation de leurs cadeaux de grande valeur. Puis ils expliquèrent au Roi que certains membres de leurs tribus, ayant adopté une nouvelle foi qui leur enseignait de penser légèrement à propos de Jésus et de sa mère Marie, avaient abandonné leur véritable religion ancestrale et fui dans son pays. Ils le prièrent, au nom des Quraych - les nobles de la Mecque - de leur livrer les fuyards. Le Roi était un homme juste. I1 fit venir les Musulmans pour entendre leur défense à propos de l'accusation d'hérésie dont ils faisaient l'objet. Ils se présentèrent en un groupe dirigé par Ja`far, le frère de `Ali, un des fils d'Abû Tâlib, et un cousin du Prophète Mohammad. Aucun membre de la délégation musulmane ne se prosterna devant le Roi, se contentant de le saluer à leur manière habituelle par la formule : "Assalâmu `Alaykum". Le Roi n'en fut pas offusqué; il admira même leurs manières. Puis, il leur exposa les charges portées contre eux par leurs propres compatriotes. Ja`far, qui était un homme d'apparence noble, favorisé par une expression de visage et une éloquence persuasives, s'avança et exposa les croyances de l'Islam avec zèle et enthousiasme. Le Roi, qui était, comme nous l'avons déjà noté, un chrétien nestorien, trouva ces doctrines similaires à celles de sa propre religion et opposées au polythéisme des Quraych. I1 manifesta son désir d'entendre Ja`far réciter quelques passages des Révélations faites au Prophète. Ja`far récita quelques versets de la Sourate Mariam qui touchèrent le Roi au cœur, au point qu'il ne put retenir ses larmes. I1 était surtout heureux d'entendre Ja`far présenter ses arguments. I1 s'ensuivit qu'au lieu de livrer les Musulmans aux membres de la délégation Quraychite, il leur octroya des faveurs bien supérieures à la protection dont ils jouissaient déjà. I1 expulsa la délégation Quraychite de sa cour en lui rendant les cadeaux qu'elle lui avait apportés.

Le Prophète à Dâr al-Arqam

Après l'exil d'un nombre aussi grand que cent treize membres du petit groupe des adeptes du Prophète, la position de celui-ci s'affaiblit beaucoup à la Mecque. D'autre part les Quraych, ayant durement ressenti l'expulsion déshonorante de leurs envoyés à la Cour d'Abyssinie, décidèrent de se venger de Mohammad en persistant dans leurs tentatives de s'opposer à ses prêches avec plus de rigueur. Mohammad décida donc de chercher refuge, en cette sixième année de sa Mission, dans la maison de l'un de ses adeptes, nommé al-Arqam, près du sanctuaire de la Ka`bah, où il put faire ses prières et ses enseignements paisiblement.

Un jour, pendant que le Prophète était assis à la porte de la maison, Abû Jahl, le chef de la grande et riche famille de Banî Makhzûm, passa à son niveau et proféra des mots grossiers à son encontre. Le Prophète fut très choqué, mais il ne prononça aucun mot de remontrance. Une fille esclave de `Abdullah Ibn Jod`ân, qui vivait tout près, fut très mécontente de cette insulte gratuite de la part d'Abû Jahl. Peu après, elle raconta l'incident à Hamzah - un oncle du Prophète - qui passait par là pour regagner sa maison après une excursion de chasse. Hamzah, qui était un homme célèbre parmi les Arabes pour sa grande vaillance et sa chevalerie se sentit profondément affecté par ce traitement outrageux qu'Abû Jahl avait réservé à Mohammad. Aussi se rendit-il directement chez Abû Jahl, et après lui avoir fait des remontrances, il le frappa avec son arc, lui portant un coup sur la tête. Les partisans d'Abû Jahl se levèrent pour le venger, mais il les calma et dit à Hamzah sur un ton conciliant que s'il avait insulté Mohammad, c'était seulement parce qu'il vilipendait leurs dieux. Hamzah déclara alors qu'il méprisait lui-même ces dieux de pierre, et il défia Abû Jahl de faire quoi que ce soit contre lui. Et pour se proclamer publiquement protecteur de Mohammad, Hamzah prononça à haute voix la profession de foi islamique : "Il n'y a pas de dieu, si ce n'est Le vrai Dieu Unique; et Mohammad est Son Prophète". Sur ce, il se déclara Musulman. Dès lors il s'avéra être un Musulman ferme jusqu'à la fin de sa vie.

Ce fut là un très heureux événement pour Mohammad et pour les Musulmans, spécialement à ce moment critique où les choses tournaient si mal pour le petit groupe de Musulmans que l'adhésion d un tel notable à leur cause, adhésion qui constitua une vraie main secourable tendue par le Ciel.

`Omar accepte la mission de tuer Mohammad

Ayant subi cette humiliation que lui avait infligée Hamzah, Abû Jahl décida de mettre un terme, une fois pour toutes, aux innovations contagieuses de Mohammad, et fixa une récompense de cent chameaux ou de mille onces d'or, payée comptant, pour la tête de Mohammad. `Omar Ibn al-Khattâb, qui était aussi viscéralement hostile à Mohammad qu'Abû Jahl, son oncle maternel se proposa de gagner la prime de ce crime de sang. Il avait à l'époque trente-trois ans. Il prit donc son épée et se dirigea vers la maison d'Al-Arqam, En chemin, Omar rencontra Sa`d Ibn Abî al-Waqqâç à qui il lui fit par de son projet, ne sachant pas qu'il était un adepte de Mohammad. Sa`d le mit d'abord en garde contre le risque qu'il courait, puis il lui conseilla d'aller voir en premier lieu sa propre sœur et son mari qui étaient déjà des adeptes de Mohammad. Omar, se rendant compte de la sagesse de cet avertissement, se tourna vers la maison de sa sœur, où il entendit un cours d'enseignement du Coran dispensé par un Khabbâb à sa sœur Âminah, et à Sa`îd Ibn Zayd, son mari. I1 entra brusquement dans la maison fonça tout droit sur Sa`îd, engagea un corps à corps avec lui, et le jetant à terre où il tomba sur le dos, il s'assit sur sa poitrine. Là, sa sœur intervint. Elle reçut à son tour une claque qui la fit saigner, mais dans un accès de colère elle cria. "Ô fils de Khattàb Fais ce que tu voudras ! J'ai vraiment changé de foi", et elle avoua qu'ils étaient tous deux - elle et son mari sans aucun doute Musulmans.

La Conversion de `Omar

Ayant honte de l'avoir acculée à une telle effronterie, `Omar s'écarta et lui demanda de réciter ce qu'elle apprenait. Elle récita les versets avec une solennité qui affecta le fond de son cœur. Le passage qu'elle lui avait récité était les quatorze premiers versets de la Sourate Tâhâ.

Omar fut stupéfait par la langue, qui avait un effet surnaturel auquel il ne put résister lui-même. A la fin, il leur demanda à tous les deux de le conduire à Mohammad. Khabbâb qui s'était caché dans la maison en voyant `Omar foncer vers eux, sortit alors de sa cachette. Ils amenèrent tous les trois `Omar à la maison d'al-Arqam où il croisa Hamzah à la porte. Il fut conduit auprès du Prophète. `Omar était si intimidé qu'il frémissait devant le Prophète qui le tint par la main et dit : "Ô Omar ! Veux-tu continuer jusqu'à ce que Dieu envoie sur toi une calamité et un châtiment comme IL l'a fait avec Al-Walîd Ibn Moghîrah ?", et il l'appela à l'Islam, qu'il accepta tout de suite en prononçant sa Profession de Foi (les Chahadatayn). La conversion de `Omar eut lieu seulement trois jours après que Hamzah se fut proclamé Musulman, la sixième année de la Mission.

La Délégation de Quraych auprès d'Abû Tâlib

Après la conversion de Harnzah et de `Omar, le Prophète prit deux fois le risque de faire ses prières avec ses adeptes publiquement à la Ka`bah, et la nécessité de tenir les rassemblements religieux dans le secret, notamment chez al-Arqam, ne s'imposait plus. Il réapparut donc publiquement pour prêcher, et l'Islam faisait des progrès sûrs parmi les différentes tribus arabes. Cela ne manquait pas de faire enrager plus que jamais les Quraych. Désormais, ils changèrent de tactique et pensèrent qu'il était plus sage de s'approcher d'Abû Tâlib, l'oncle et le protecteur du Prophète, et le chef de sa famille. Ils le prièrent chaleureusement d'imposer silence à Mohammad, et en cas d'insuccès, de lui retirer sa protection. Abû Tâlib les calma d'une manière ou d'une autre, mais sans toutefois informer Mohammad de leurs exigences. Mohammad continua donc à accomplir son travail selon sa manière habituelle.

Les Quraych se contentèrent d'observer pendant un certain temps, mais à la longue, n'ayant constaté aucun changement dans l'attitude de Mohammad, ils perdirent patience. Ils se rendirent de nouveau, en groupe, chez Abû Tâlib, et lui demandèrent, sur un ton menaçant, ou bien de convaincre son neveu de s'abstenir d'attaquer leurs dieux, ou bien de le laisser seul. Abû Tâlib convoqua alors son neveu et lui fit part de tout ce dont les Quraych le chargeaient. I1 lui suggéra de modérer ses attaques contre les Quraych afin d'éviter un conflit familial. Mohammad mit en avant ses convictions avec force et dit fièrement qu'il ne se permettrait pas de désobéir aux Commandements de Dieu, et qu'il était décidé à les appliquer jusqu'aux derniers moments de sa vie : "Même s'ils mettaient le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche, dit-il, pour me faire abdiquer ma tâche, je ne le ferais pas, et ce jusqu'à ce que Dieu la couronne de succès, ou que je me sacrifie pour elle" (Abul-Fidâ'). Mohammad pensa que son oncle voulait lui retirer sa protection pour éviter un conflit familial. Aussi lui dit-il qu'il ne comptait que sur la protection et d'aide de Dieu, le Tout-puissant, même si son oncle n'était pas désireux de continuer de se charger de la défendre.

Ayant dit cela, Mohammad se tourna pour s'en aller, le cœur serré, mais Abû Tâlib le retint, et sans plus discuter, lui promit de s'élever lui-même contre tous ses ennemis et de le défendre jusqu'à sa mort contre toutes les agressions. Abû Tâlib crut lui-même aux convictions de son neveu, et en conséquence il fit comprendre aux Mecquois que son neveu était réellement un Messager de Dieu et que pour cela, ils devraient le considérer comme leur dirigeant et guide spirituel.

Avec cette réponse froide d'Abû Tâlib, les Mecquois ne savaient plus quoi faire contre Mohammad et ses adeptes. Abû Sufiyân, le chef des Umayyades, saisit l'occasion pour jeter le discrédit non seulement sur Mohammad ou sur tel ou tel de ses proches parents qui avaient épousé sa foi, mais sur toute la lignée de Hâchim qui, bien que ne partageant pas ses croyances, le protégeait par solidarité clanique. Evidemment l'hostilité d'Abû Sufiyân n'était pas suscitée simplement par sa haine personnelle ou par ses scrupules religieux, mais par rivalité familiale. II avait l'ambition de transférer à sa propre famille les honneurs de la cité, si longtemps accaparés par les Hachémites. (W. Irving, "Life of Mohammad", p. 56). D'après les témoignages historiques disponibles c'est à cette époque-là que l'opposition à la propagation de la foi de Mohammad atteignit son paroxysme.

L'Interdiction et la Mise au Ban

Poussés par Abû Sufiyân, les chefs des différentes familles décidèrent de former une ligue pour couper tous contacts avec Mohammad, ses adeptes et les Hâchimites qui avaient refusé de se séparer de Mohammad. Ils prirent l'engagement solennel de n'avoir aucune sorte de relation commerciale avec eux - ne rien leur acheter et ne rien leur vendre - et de ne contracter aucune alliance matrimoniale avec eux. La septième année de la Mission (environ 616 A.J.) cette Convention fut rédigée, signée et scellée. Et pour lui conférer une valeur solennelle, elle fut conservée dans la Ka`bah.

Abû Tâlib amena alors Mohammad à son logement connu sous la dénomination de Chi`b Abî Tâlib. Les Hâchimites soumis eux aussi au boycottage à cause de Mohammad, se retirèrent au même endroit. L'un d'entre eux seulement, Abû Lahab, s'en sépara et fit cause commune avec les Mecquois.

Désormais les Hâchimites, mis au ban de la société, furent entièrement éloignés du reste des habitants de leur ville. Ils devinrent des gens excommuniés, condamnés à souffrir toutes les privations. Même la forteresse de Chi`b Abî Tâlib était occasionnellement assiégée par les Quraych afin de renforcer le blocus et de prévenir toute possibilité d'approvisionnement. Les Hâchimites se virent ainsi acculés à la famine pour cause de manque de provisions qu'ils ne pouvaient acquérir qu'à des prix exorbitants chez des commerçants étrangers pendant les jours de Trêve, c'est-à-dire aux mois de Rajab et de Thilhaj de chaque année.

Ils étaient constamment surveillés par les Quraych et n'osaient pas sortir dehors. Abû Tâlib craignait même des assassinats nocturnes. Aussi était-il toujours sur ses gardes et changeait-il souvent la chambre à coucher de Mohammad par mesure de précaution contre une attaque surprise. Cet état des choses dura environ trois ans. II commença vers la fin de la septième année de la mission et se termina la dixième année, où Mohammad atteignit l'âge de cinquante ans.

I1 est à noter ici que pendant ces années-là le Prophète ne négligea pas sa Mission. I1 s'appliquait à l'amélioration des mentalités de ses proches en prêchant le Monothéisme afin de rendre plus effective leur soumission à sa Foi, et chaque fois qu'il lui arrivait de sortir pendant les jours de Trêve, il se mêlait aux pèlerins, effectuait ses prêches parmi eux, exposait ses doctrines et annonçait ses révélations dans des occasions propices.

Quelques-uns des Miracles les Plus Remarquables

"De cette façon - écrit W. Irving dans son livre "Life of Mohammad", pp, 57-60 - il fit de nombreux convertis qui à leur retour dans leurs régions respectives apportèrent avec eux les germes de la nouvelle religion. Parmi ces convertis on comptait même des princes ou des chefs de tribu dont l'exemple fut suivi par leurs partisans. Les légendes arabes font un récit fastueux de la conversion de l'un de ces princes, laquelle conversion, étant en rapport avec l'un des miracles les plus notables de Mohammad, mérite d'être racontée :

"Le prince en question était Habib Ibn Mâlik, surnommé le Sage en raison de sa vaste connaissance et érudition, puisqu'il est présenté comme étant versé profondément dans la magie et les sciences et comme connaissant parfaitement toutes les religions jusqu'à leurs fondements mêmes, ayant lu tout ce qui avait été écrit à leur propos et ayant acquis une information pratique les concernant après avoir appartenu tour à tour au Judaïsme, au Christianisme et au Zoroastrisme. Il est vrai qu'il avait eu largement le temps pour acquérir des connaissances si vastes et des expériences si larges, puisque, selon la légende arabe, il vécut cent quarante ans. Un jour, il vint à la Mecque à la tête d'une puissance armée, forte de vingt mille hommes, amenant avec lui une belle jeune fille, Satihah, pour qui il offrit des prières à la Ka`bah, parce qu'elle était devenue sourde, muette, aveugle, et privée de l'usage de ses membres.

"Toujours selon la légende, Abû Sufiyân et Abû Jahl pensèrent que la présence de ce prince très puissant, très idolâtre, très âgé et très sage à la tête d'une armée si formidable, constituait une occasion favorable de provoquer la ruine de Mohammad. Par conséquent, ils informèrent Habib le Sage de l'hérésie du prétendu prophète et obtinrent de lui qu'il le convoquât à son campement dans la vallée de "Flints", pour qu'il justifiât ses croyances. Ils espéraient ainsi, qu'en s'obstinant dans l'erreur, Mohammad s'attirerait la mort ou le bannissement.

"La légende fait un conte somptueux de la parade des Quraychites idolâtres, fièrement ornés, à cheval et à pied, conduits par Abû Sufiyân et Abû Jahl, venus assister à la grande inquisition dans la Vallée de "Flints", et de la façon orientale dont ils furent reçus par Habib le Sage, assis sous une tente de tissu cramoisi, sur un trône d'ébène incrusté d'ivoire et de santal, et couvert de plaques d'or.

"Mohammad était dans la maison de Khadîdja lorsqu'il reçut la sommation de comparaître devant ce formidable tribunal. Khadîdja criait fort ses avertissements et ses filles s'accrochèrent à son cou, pleurant et se lamentant, car elles pensaient qu'il allait à la rencontre de sa mort certaine. Mais il apaisa gentiment leurs craintes et leur demanda d'avoir confiance en Allah.

"A la différence des manières ostentatoires de ses ennemis, Abû Sufiyân et Abû Jahl, il s'approcha de la scène du procès en vêtements simples, habillé d'une longue chemise blanche, d'un turban noir et d'un voile fait d'étoffe d'Aden. Ses cheveux tombaient au-dessous de ses épaules, la lumière mystérieuse de la prophétie rayonnait sur son visage, et bien qu'il n'eut pas oint sa barbe ni utilisé aucun parfum" excepté un peu de musc et de camphre sur les poils de sa lèvre supérieure, partout où il passait, un parfum doux répandait autour de lui et exhalait de sa personne.

"Une crainte silencieuse régna dans l'assemblée lorsque le Prophète s'approcha. Pas un murmure, pas un chuchotement. Les animaux sauvages même parurent se plaire dans le silence; les hennissements des coursiers, les cris des chameaux et les braiments des ânes avaient cessé.

"Le vénérable Habib le reçut gracieusement. Sa première question était déjà prête : "Ils disent que tu prétends être envoyé par Dieu. Est-ce ainsi ?" "Certainement, Allah m'a envoyé pour proclamer la Véritable Foi", répondit-il.

"Bien, répliqua le Sage, prudent. Mais chaque prophète a donné la preuve de sa Mission par des signes et des miracles. Noé avait son arc-en-ciel; Salomon, son anneau mystérieux; Abraham, le feu de la fournaise qui devint froid sur son ordre. Ismâ`îl, le bélier qui fut sacrifié à sa place; Moïse, son bâton magique, et `Issa ressuscitait les morts et calmait les tempêtes par de simples mots. Donc, si tu es vraiment un prophète, fais nous un miracle en guise de preuve."

"Les partisans de Mohammad tremblèrent de peur pour lui lorsqu'ils entendirent cette demande, et Abû Jahl battit des mains et exalta la sagacité de Habib le Sage. Mais le Prophète le réprimanda avec mépris. "Paix ! Chien de ta lignée ! Disgrâce de ta famille et de ta tribu !" Puis, il se mit calmement à exécuter les désirs de Habib.

"Le premier miracle demandé à Mohammad consistait à révéler ce que Habib gardait dans sa tente et pourquoi il l'avait amené à la Mecque.

"Sur ce, dit la légende, Mohammad se pencha vers le sol et traça des figures sur le sable. Puis, relevant la tête, il répondit : "Ô Habib ! 'Tu as amené ici ta fille, sourde-muette, estropiée et aveugle, Satihah, dans l'espoir d'obtenir du Ciel qu'elle soit soulagée. Va à ta tente, parle-lui et écoute sa réponse, et sache que Dieu est Tout-puissant".

"Le vieux prince se dépêcha vers sa tente. Sa fille le reçut d'un pas léger et les bras ouverts, en possession de toutes ses facultés : ses yeux rayonnaient de joie, son visage dessinait un sourire et elle paraissait plus belle que la lune d'une nuit sans nuage". (W. Irving)

Le Miracle de la Disjonction de la Lune

Le second miracle que Habib avait demandé au Prophète de réaliser c'était de faire couvrir le ciel de midi de ténèbres surnaturelles et de faire apparaître la lune au-dessus de la Ka`bah. Le Prophète pria. Tout d'un coup une noirceur complète couvrit la lumière de jour et l'orbe glorieux de la lune brilla sur le sanctuaire. Le Prophète fit un signe de son doigt et l'orbe fut coupé en deux moitiés de sorte que la montagne d'Aby Qubays se dressa entre elles. Un peu plus tard, il fit de nouveau un signe et les deux moitiés se rejoignirent. Quelques fissures profondes sont toujours visibles sur le disque de la lune, comme si elles voulaient indiquer les traces de la réunion de deux parties.

Le prince et quatre cent soixante-dix de ses partisans, ainsi qu'un grand nombre de Mecquois, ayant été parfaitement convaincus, embrassèrent la foi du Prophète. Abû Jahl et Abû Sufiyân s'écrièrent que tout cela n'était qu'un ensorcellement de Mohammad; ils étaient des incroyants endurcis. On dit que les événements ci-dessus relatés eurent lieu cinq ans avant l'Emigration. (A propos de ce miracle de la disjonction de la lune, réalisé par le Prophète, il faut noter ici qu'on peut en trouver la confirmation indirecte dans les écrits du célèbre astronome, Sir J.F. Herschel, qui a écrit dans ses "Outlines of Astronomy" (4Q édition, 1851, p. 247), note en marge, en parlant de la lune : "I1 y a une illusion optique d'une nature étrange et inexplicable que l'on a souvent remarquée dans l'occultation. L'étoile semble avancer effectivement sur et dans le disque (de la lune) avant de disparaître, et ce jusqu'à une profondeur considérable parfois. Je n'ai jamais été personnellement témoin de cet effet singulier, mais il repose sur un témoignage sans équivoque. Je l'ai appelé une illusion optique, car il est pratiquement impossible qu'une étoile puisse briller en de telles occasions à travers des fissures profondes dans la substance de la lune". Des fissures profondes dans la lune ! Cette expression n'indique-t-elle pas clairement une réunion des deux parties de la lune après que celle-ci s'était scindée en deux, réunion incomplète qui a laissé des fissures profondes).

La Fin Miraculeuse de la Mise au Ban

A la fin de la troisième année de l'Interdiction - la dixième année de la Mission - Mohammad informa Abû Tâlib qu'Allah avait montré sa désapprobation de la Convention dirigée contre lui et qu'Il avait envoyé des fourmis pour dévorer chaque mot du Document placé dans la Ka`bah, à part Son propre Nom qui y figurait. Abû Tâlib, ayant cru son neveu comme receveur des Révélations du Ciel, alla voir les Quraych sans hésitation et il leur raconta ce que Mohammad lui avait dit à propos du document, en leur disant que si l'information qu'il leur rapportait se vérifiait après l'examen du document, ils devraient s'engager à se retirer de leur convention et à abandonner leurs hostilités contre Mohammad et ses partisans, et si elle s'avérait fausse, il s'engagerait pour sa part à leur livrer Mohammad. Mot`im Ibn `Adî, Zam`ah Ibn Aswad, Abul-Bakhtari et quelques autres parmi les voisins des Quraych, qui étaient affligés pour les lamentations douloureuses des enfants quasi faméliques des Hâchimites mis au ban de la société et sympathisaient avec eux dans leurs souffrances, accompagnèrent Abû Tâlib pour s'assurer que sa demande juste ne fût pas refusée par les Quraychites. La proposition d'Abû Tâlib fut toutefois volontairement acceptée par tout le monde. Tous ensemble allèrent inspecter le document. Et à leur grande surprise, ils le virent dévoré par les fourmis. I1 n'en restait que le nom d'Allah. Abû Tâlib fut transporté de joie devant ce miracle accompli par un acte surnaturel en faveur du Prophète Mohammad, alors que les Quraych semblaient confus et hébétés. Ils dirent que c'était un ensorcellement fait par Mohammad; mais devant la persistance d'Abû Tâlib et de ses partisans, ils finirent par céder et déclarer le document nul et non avenu. Le bannissement étant annulé, tous les Hâchimites regagnèrent leurs maisons, et Mohammad (Que la paix soit sur lui et sur sa famille) fut une fois de plus libre.