Le Sermon de la noble Zeinab à Cham et Kufa

Tout d'abord un regard sur la vie de la Noble Zeinab avant d'entrer sur le but du sujet (Le Sermon de la Noble Zeinab)

Elle fut surnommée Umm Al-`Awâjiz (La Mère des indigents), en raison de sa miséricorde envers les pauvres et les démunis.

Elle fut aussi surnommée Umm Hâshim (Mère des Hachémites), car suite au drame de Karbalâ', elle veilla sur la descendance du Prophète que paix et bénédictions sur lui et sa descendance et sur son neveu `Alî Zayn Al-`Âbidîn, le seul survivant de la bataille parmi la progéniture de l'Imâm Al-Husayn. Le gouverneur d'Égypte, ayant ensuite pris l'habitude de tenir ses conseils officiels dans sa demeure, elle fut surnommée Ra'îsat Ad-Dîwân (Présidente du Conseil). Montagne de bravoure et de foi, elle fut le symbole de la patience dans l'adversité et de la vérité face au despotisme.

 

Sa naissance dans une famille bénie

Après la naissance d'Al-Hasan et d'Al-Husayn, Dame Fâtimah Az-Zahrâ' et `Alî Ibn Abî Tâlib  que le salut d'Allâh soit sur eux s'apprêtaient à accueillir un nouveau don d'Allâh : Zaynab Bint `Alî Ibn Abî Tâlib.Aussitôt que Dame Fâtimah Az-Zahrâ' donna naissance à sa fille bénie, Dame Asmâ' Bint `Umays prit la nouveau-née dans ses bras et, s'adressant à Dame Fâtimah, elle dit : « Ô fille du Messager d'Allâh ! Elle te ressemble dans l'apparence et la beauté.

La splendeur de la Prophétie est incarnée dans cette nouvelle née qui ressemble tellement à son frère Al-Husayn ! » Az-Zahrâ' loua alors Allâh et Le remercia de Sa grâce.Dame Zaynab grandit dans la maison de la prophétie, de la lumière et de la guidance. Elle reçut une éducation spirituelle raffinée du côté de sa mère ; son père l'Imâm `Alî Ibn Abî Tâlib ne manqua pas de  lui inculquer les bonnes meurs ainsi que les valeurs de la dignité, de la chasteté et de la décence.

On rapporta qu'un jour, alors que la petite Zaynab était assise sur les genoux de son père  que le salut d'Allâh soit sur lui— et que celui-ci jouait avec elle, il lui dit : « Dis "un" ». Alors elle dit : « Un ». Il lui demanda de dire « deux » mais elle se tut. L'Imâm lui dit alors : « Vas-y chérie ! » Zaynab sourit et dit : « Ma langue qui a prononcé le "Un" (l'Unique) ne pourrait pas prononcer le "deux" ». L'Imâm `Alî  que le salut d'Allâh soit sur lui  la serra alors dans ses bras et l'embrassa entre les yeux.

Elle lui demanda aussi un jour : « Ô père, nous aimes-tu ? » Il répondit : « Comment voulez-vous que je fasse autrement alors que vous êtes le fruit de mon cœur ! » Elle dit alors : « Ô père, l'amour est pour Allah et la tendresse pour nous ».

On rapporta également qu'à l'âge de cinq ans, Dame Zaynab cherchait déjà à devancer sa mère en se précipitant pour faire ses ablutions aux heures des prières, puis vers son sanctuaire pour prier avec elle. Dame Fâtimah Az-Zahrâ' la serrait alors tendrement dans ses bras et l'embrassait en lui disant : « Qu'Allâh t'accorde le bien ainsi qu'à tes enfants pieux.

Ma chère fille, comme si je te voyais défendre le droit violé par des arguments solides et une éloquence invraisemblable ».

La même année, Dame Zaynab perdit son grand-père, le Messager d'Allâh  paix et bénédictions sur lui et sa descendance .

Son décès enveloppa les musulmans d'un voile de deuil et un climat de tristesse régna dans la maison prophétique. Faisant l'adieu au Prophète, son père l'Imâm `Alî (as) dit : « Toute patience est belle sauf vis-à-vis de toi et toute impatience est mauvaise sauf à ton endroit. Notre malheur en ta perte est immense ; et notre misère avant et après toi est infinie ».

Sa mère, Dame Fâtimah Az-Zahrâ', ne put supporter la séparation ; elle fut à son tour rappelée par son Créateur quelques mois plus tard.C'est ainsi qu'en perdant très tôt sa mère, elle apprit le sens de la responsabilité, de la fermeté et fut bien consciente des grands événements qui se déroulèrent à l'époque des Califes. Durant le califat de `Umar Ibn Al-Khattâb, Dame Zaynab épousa `Abd Allâh Ibn Ja`far Ibn Abî Tâlib.

Leur noce eut lieu à Médine alors que l'armée musulmane venait de réaliser de grandes victoires dans ses conquêtes en Iraq et au Shâm. De grands Compagnons comme Abû Dharr Al-Ghifârî et Salmân Al-Fârisî fêtèrent tous cette occasion bénie. Ce mariage donna naissance à quatre fils `Alî, `Abbâs, `Awn et Muhammad , ainsi qu'à une fille  Umm Kulthûm.

Une adoration pure

Dame Zaynab passait ses nuits à la porte de son Seigneur demandant Sa satisfaction et se dévouant à Son adoration. Elle n'abandonna jamais ses prières nocturnes même à la veille de l'assassinat de son frère Al-Husayn (as) qui lui demanda de ne pas l'oublier dans ses invocations.

 

Parmi les invocations de son grand-père  paix et bénédictions sur lui et sa descendance  qu'elle avait l'habitude de réciter, l'on cite : « Ô Celui Qui se vêtit de la gloire et s'en habilla. Glorifié soit Celui dont la grandeur est le manteau. Glorifié soit-Il : sauf à Lui, la glorification ne doit être attribuée. Glorifié soit Celui Qui, par Son Savoir et Sa Puissance, cerne toute chose.Glorifié soit Celui Qui détient l'honneur, les bienfaits et les grâces.

Glorifié soit le Puissant et le Généreux. Ô Allâh, je Te demande par la grandeur de Ton trône, par la clémence infinie de Ton Livre, par Ton grand Nom, Ta splendeur et Tes mots accomplis, de faire miséricorde à Muhammad et à ses descendants purifiés et de m'accorder le bien ici-bas et dans l'au-delà.

Allâh, Tu es le Vivant Qui n'a besoin de rien alors que tout a besoin de Lui. C'est Toi Qui me guidas et c'est Toi Qui me nourris.C'est toi Qui me donnas et me prendras la vie… Ta miséricorde, ô Le plus Clément parmi les cléments ».Pendant qu'elle animait ses nuits par les prières nocturnes, elle répétait souvent ces vers : Combien a-t-Il de douceur cachée dont la subtilité échappe à la raison de l'intelligent ! Et combien de prospérité arriva après l'adversité mettant fin à la misère du cœur attristé ! Et combien de choses t'inquiètent le matin, alors que la bonne nouvelle te parvient la nuit ! Si un jour tu te trouves en adversité, aie confiance en l'Un, l'Unique et le Haut ! Et prends le Prophète comme intercesseur car tout serviteur, est certes secouru par l'intercession du Prophète !

 

Et ne t'inquiète guère si un malheur arriva, car combien a-t-Il de douceur cachée.Son adoration, son humilité et la finesse de son âme eurent un effet remarquable sur les gens qui l'entouraient et se reflétèrent dans ses paroles et dans les poèmes qu'elle composait dont : Des yeux veillèrent et d'autres s'endormirent, pour des choses qui arriveront ou qui n'arriveront pas…. Un Seigneur t'ayant hier suffi, te protégera certes de ce qui arrivera demain… Chasse donc tout souci de ton âme autant que possible, car avoir des soucis serait une folie.

Une femme face au despote

La vie de Dame Zaynab (que le salut d'Allah soit sur elle) ne peut être abordée sans mention des événements de Karbalâ' et du malheur qu'encoururent les descendants du Prophète  paix et bénédictions sur lui et sa descendance pendant et après cette bataille qui affligea le cœur de tout croyant. En 61 A.H., l'Imâm Al-Husayn(as), accompagné par les descendants du Prophète, dont Dame Zaynab, partit pour Al-Kûfah à la demande de ses habitants voulant se révolter contre Yazîd Ibn Mu`âwiyah. À l'époque, ce dernier était un Calife connu pour son despotisme, son injustice et sa perversion.

Dama Zaynab (que le salut d'Allah soit sur elle) ne cacha pas son inquiétude pour son frère qui risquait ainsi de se faire tuer, en comptant surtout sur des gens ayant autrefois manqué à leur promesse de soutenir son père. Bien que consciente du danger qui menaçait la vie de l'Imâm Al-Husayn (as), elle choisit de l'accompagner et de le soutenir dans cette épreuve.

Sur le chemin du convoi béni vers Al-Kûfah, Dame Zaynab que le salut d'Allah soit sur elle  dit à son frère : « J'ai entendu ce soir un appel me disant : Ô les yeux, préservez donc quelques efforts, sinon, qui pleurera les martyrs après ? Qui pleurera sur ces gens conduits par leur sort, vers la réalisation d'une promesse faite avec mesure ?» Al-Husayn répondit alors : « Ô sour, toute chose prédestinée arrivera ».

Le convoi étant arrivé à Al-Kûfah, `Abd Allâh Ibn Ziyâd, à l'époque gouverneur de Bassora et d'Al-Kûfah, dépêcha sous la direction de `Umar Ibn Sa`d une armée de quatre mille soldats afin de combattre l'Imâm. Les gens d'Al-Kûfah ayant manqué à leur promesse, Al-Husayn n'avait de son côté que 72 partisans, tous descendants du Prophète, en plus d'un groupe de personnes qui préféra le martyre dans le camp de l'Imâm. Entendant arriver de loin l'armée d'Ibn Sa`d, Dame Zaynab alla chercher son frère et le trouva la tête sur les genoux.

Elle s'approcha de lui et le réveilla, alors il leva les yeux vers elle et lui dit : « J'ai vu le Prophète  paix et bénédictions sur lui et sa descendance— en songe et il me dit : "Tu viendras chez nous" ». Émue, Dame Zaynab cria : « Ô malheur à moi ! » Alors il répondit : « Le malheur n'est guère à toi, ma sœur. Calme-toi, qu'Allâh te fasse miséricorde ».Al-Husayn (as), l'héritier du Messager miséricordieux, avait demandé à ses compagnons de retourner chez eux, sains et saufs,accompagnés des femmes et des enfants, et de le laisser faire face aux injustes, seul. Mais ses vaillants partisans jurèrent de ne point l'abandonner et de le défendre corps et âme aussi longtemps qu'ils seront de ce monde.

 

La veille de la bataille de Karbalâ', Dame Zaynab entendit son frère composer des vers tristes décrivant la médiocrité de l'ici-bas. Elle se tourna vers lui et dit : « Mon frère, ce sont les paroles de celui qui sait qu'il sera certainement tué ! » Il répondit alors : « Oui ma sœur ».

Elle pleura disant : « Ô combien grande est ma perte, ô combien grande est ma tristesse. Si seulement la mort m'arrachait la vie ! Ô mon Husayn, Ô mon seigneur, Ô celui qui me reste parmi ma famille, tu te présentes à tes assassins et perds tout espoir dans cet ici-bas. C'est seulement aujourd'hui que mourut mon grand-père le Messager d'Allâh — paix et bénédictions sur lui et sa descendance—.

C'est aujourd'hui que mourut ma mère Fâtimah et mon père `Alî et mon frère Al-Hasan ». Al-Husayn la regarda et essaya de la calmer en lui disant : « Ma sœur, que Satan ne vole pas ta clémence, garde donc la patience qu'Allâh conseilla. Sache que tous les habitants de la terre mourront, que les habitants des cieux ne resteront pas et que toute chose périra à part la Face d'Allâh Qui créa les créatures par Sa puissance, Qui les ressuscitera, leur rendra la vie et Qui est l'Unique.

Mon grand-père est mieux que moi, mon père est mieux que moi, ma mère est mieux que moi, mon frère est mieux que moi. Nous sommes tous censés prendre le Messager d'Allâh — paix et bénédictions sur lui et sa descendance— comme modèle ». Puis il dit : « Si le soir on laissait le ganga tranquille, il dormirait ».Dame Zaynab dit : « Malheur à moi Husayn, tu te laisses prendre par tes ennemis.

Ceci est plus brisant pour mon cœur et plus dur pour moi ». Le combat commença ; les descendants du Prophète tombèrent en martyrs l'un après l'autre sous les yeux de Dame Zaynab. Voici `Alî, le fils de l'Imâm Al-Husayn combattant bravement aux côtés de son père jusqu'à ce qu'il fut épuisé et cria : « Ô père la soif me tue et la lourdeur du fer m'épuise ». Les larmes de l'Imâm coulèrent et il répondit : « Patience, un peu de courage et bientôt sera la rencontre avec ton grand-père Muhammad — paix et bénédictions sur lui et sa descendance —, alors il te donnera à boire de sa coupe la plus noble ».

Quelques instants et Dame Zaynab vit les soldats porter vers sa tente, le corps de son neveu. Aussitôt que ses yeux tombèrent sur cette scène, elle sortit de sa tente, se dirigea vers `Umar Ibn Sa`d et lui dit : «Ô `Umar, tue-t-on Abû Abd Allâh alors que tu restes spectateur ?! » Les larmes aux yeux, `Umar ne supporta pas ses paroles et tourna son visage ailleurs. Voyant à la fin de la bataille Al-Husayn assassiné et ses deux fils martyrisés, Dame Zaynab s'écria : « Ô Muhammad ! Que le Seigneur du ciel t'accorde la paix, voici Husayn par terre, membres mutilés, et voici tes filles emprisonnées.

À Allâh est ma complainte, à Muhammad, à `Alî Al-Murtadâ, à Fâtimah Az-Zahrâ' et à Hamzah maître des martyrs ».Voyant la tête de son frère portée sur les lances des hypocrites, Dame Zaynab dit : Ô croissant qui, aussitôt devenu parfaitement abouti, fut injustement éclipsé et périt…. Frère de mon cœur, je n'ai guère imaginé, Que telle sera ta destinée… Elle s'adressa ensuite aux gens d'Al-Kûfah qui s'étaient rassemblés pour voir le convoi triste conduit vers `Abd Allâh Ibn Ziyâd,et dit : « Louange à Allâh et paix et bénédictions sur mon père Muhammad et sur sa descendance pieuse et bienfaisante.

Ô gens d'Al-Kûfah, gens de la tromperie et de la duperie, pleurez-vous ? Que vos larmes ne cessent de couler et que votre douleur ne cesse de vous peiner. Vous êtes comme celle qui défit brin par brin sa quenouille après l'avoir solidement filée en prenant vos serments comme un moyen pour vous tromper les uns les autres. Malheur à vous, gens d'Al-Kûfah, savez-vous quel proche parent du Prophète avez-vous attaqué et quel sang lui avez-vous effusé ? Vous avez certes commis une chose abominable. Peu s'en faut que les cieux ne s'entrouvrent, que la terre ne se fende et que les montagnes ne 'écroulent. Que la clémence d'Allâh ne vous enorgueillit car votre Seigneur est à l'affût ».

 

À l'arrivée du convoi au palais de `Abd Allâh Ibn Ziyâd, ce malheureux criminel dit avec réjouissance et fierté : « Louange à Allâh qui vous a scandalisé, vous a tué et a démenti vos histoires. » Dame Zaynab prit alors la parole et répondit : « Louange à Allâh qui nous a honoré par Son Messager — paix et bénédictions sur lui et sa descendance — et qui nous a parfaitement purifié des vices. Allâh ne scandalise que le pervers et ne dément que le vicieux qui est autre que nous. » Ibn Ziyâd lui demanda alors : « N'as-tu pas vu ce qu'Allâh fit de ta famille et de ton frère ? ». Dame Zaynab dit : « Je n'ai vu que le bien.

Ce sont des gens qu'Allâh enregistra comme martyrs et les voici martyrisés. Allâh vous rassemblera un jour et l'on verra à qui sera la victoire ». Il s'exclama alors : « Quel courage ! Ton père était un poète courageux ». Dame Zaynab répondit : « Fils de Ziyâd, de quel courage parles-tu ? Le courage n'est aucunement mon souci. Cela m'étonne que l'assassinat de tes imâms te soulage alors que tu es bien conscient de leur vengeance dans l'au-delà ».

Remarquant un jeune homme parmi les prisonniers, `Abd Allâh Ibn Ziyâd se renseigna sur son identité. Apprenant qu'il s'agissait de Zayn Al-`Âbidîn, le fils d'Al-Husayn, Ibn Ziyâd voulut le tuer, sauf que Dame Zaynab le défendit farouchement disant : « Tu as suffisamment effusé notre sang et tu t'en es abreuvé ! Nous as-tu laissé que lui ? Par Allâh, je ne me séparerai guère de lui. Si tu veux le tuer, tue moi donc avec lui ! » C'est ainsi que, grâce à la bravoure de Dame Zaynab, Zayn Al-`Âbidîn fut le seul survivant de Karbalâ' parmi la progéniture de l'Imâm Al-Husayn (as).

 

Le convoi fut ensuite envoyé vers la Syrie où siégeait Yazîd Ibn Mu`âwyah. Dans son palais, Dame Zaynab ne craignit pas non plus de lui adresser ces paroles : « Louange à Allâh, Seigneur des mondes et paix et bénédictions sur son Messager et sa descendance pieuse. Penses-tu Yazîd qu'en nous infligeant une défaite et qu'en nous conduisant comme prisonniers, Allâh nous aurait humilié et qu'Il t'aurait honoré ? Patience ! As-tu oublié la parole d'Allâh — Exalté soit-Il — : "Que les incroyants ne voient pas un avantage dans le sursis que nous leur donnons.

Ce sursis ne sert qu'à accroître leur péché. À eux la honte du tourment…" Allâh te suffira comme juge, Muhammad — paix et bénédictions sur lui et sa descendance — comme adversaire et Gabriel comme opposant… Qu'Allâh nous rétribue, et réforme notre Califat, Il est certes le Tout Miséricordieux ». Yazîd ne put commenter ce que lui adressa Dame Zaynab et lui proposa de l'argent. Dame Zaynab répondit : « Ô combien dur est ton cœur Yazîd ? Tu tues mon frère et tu me proposes de l'argent ? Par Allâh, cela ne sera jamais ! » Dame Zaynab fut ensuite envoyée à Médine. Aussitôt arrivée, elle se dirigea vers le tombeau de son grand-père.

On rapporte l'avoir vue accrochée à la porte de la mosquée du Prophète, les larmes coulant sur les joues appelant : « Ô grand-père je t'annonce le martyr de mon frère Al-Husayn ». Elle se mit ensuite à raconter aux habitants de Médine les événements amers qui se déroulèrent à Al-Kûfah. Ceci suscita l'inquiétude du gouverneur de Médine qui avertit Yazîd contre le danger de sa présence dans les terres saintes.

On demanda alors à Dame Zaynab de choisir une autre contrée que celle de son grand-père pour s'y installer. Il y a divergence pour ce qui est du choix de la noble dame, certains narrateurs rapportent qu'elle a choisit cham et d'autres ont rapportés qu'elle a émigrée vers l'Égypte.

Là où son âme se repose

En Sha`bân de l'an 61 A.H., six mois après le martyr de son frère, Dame Zaynab arriva dans son pays d'accueil. Elle fut accueillie par une fine délégation qui pleura en essayant de la consoler. Dame Zaynab ne put alors empêcher ses larmes de couler et récita le verset : « Ceci est ce que le Tout Miséricordieux avait promis et les Messagers avaient dit vrai. » La grande dame s'installa finalement honorée et respectée.

Les musulmans ne cessèrent d'affluer vers sa noble demeure, lui demandant des invocations et écoutant les hadiths qu'elle narrait et les bonnes mœurs qu'elle prêchait.Dame Zaynab resta dans sa demeure pendant moins d'un an au cours duquel on ne la vit que dévouée à son adoration, son jeûne, son dhikr et sa récitation du Coran.

Elle tomba ensuite malade et sut par la lumière de son Seigneur qu'il s'agissait de la maladie de sa mort. On proposa de lui convoquer un médecin mais elle répondit : « Ô gens ! Nous ne sommes pas de ceux qui aspirent à l'ici-bas et souhaitent y rester.

La meilleure rencontre pour nous, descendants du Prophète — paix et bénédictions sur lui et sa descendance— est la rencontre avec notre Seigneur. En plus, le médecin n'avancera ni ne reportera ma fin. Son remède n'est qu'un tranquillisant alors que la fin prédestinée devra arriver ».

La veille du dimanche 15 Rajab 63 A.H., l'âme de Dame Zaynab abandonna l'ici-bas pour rejoindre un horizon plus vaste et plus clément. Les musulmans la pleurèrent de leurs larmes et de leurs paroles. On dit à son sujet : Ô Umm Hâshim, cet amour est porté, par un passionné épris comme il ne l'a jamais été ! Dans tes jardins, on le voit étreignant les portes, collant à ses murs et touchant ses pierres ! Me voici venu présenter la quintessence de mon cœur, chez toi sans récompense ni ennui !Au fond du ceur, voici mon amour infini, qui restera entier tant que je serai vivant !

 

1- A Cham

Yazid était en train de jubiler en raison de sa victoire sur Imam Hussayn (as) et de louer sa supériorité sur celle du Prophète (saww) tout en ridiculisant Imam Hussayn (as) en tapotant avec une canne les dents de la tête très endommagée de Imam (as). Soudain Janabe Zaynab (as) s’éleva de sa place et avec un ton solennel, plein d’autorité elle s’adressa directement à Yazid :

Louange à Allah, Seigneur des mondes et que la bénédiction soit sur le Messager de l’Islam et sa descendance immaculée. Gloire à Allah, Le véridique (par Ses paroles):

« Mauvaise fut la fin de ceux qui faisaient le mal, ayant traité de mensonges les versets d'Allah et les ayant raillés. » (Al-Rum 30 :10)

Que croyais-tu donc ô Yazid ! Qu’espérais-tu en nous privant de l’étendue de la terre et des cieux et en nous gardant en captivité de la sorte ? Pensais-tu que nous serions méprisables à la vue d’Allah, croyait-tu que tu pouvoir jouir d’une quelconque estime devant Lui ? Ou bien est-ce que tu penses avoir gagné le respect de toi-même ? Tu te glorifies avec arrogance d’un succès bien apparent, te ventant de ta personne gaiement et avec exubérance. T’imaginais-tu donc que le monde s’était soumis à toi, que les choses s’étaient harmonisées selon ta convenance et que notre autorité et notre grandeur étaient devenues tiennes ? Détrompe-toi ! Mais attends donc ! Sois patient ! Aurais-tu à ce point négligé les paroles d’Allah l’Omnipotent, le Majestueux :

« Que ceux qui n'ont pas cru ne comptent pas que ce délai que Nous leur accordons soit à leur avantage. Si Nous leur accordons un délai, c'est seulement pour qu'ils augmentent leurs péchés. Et pour eux un châtiment avilissant. » (Al-’Imran 3 :178)

Ô fils d’esclaves libérés ! Crois-tu être juste en demandant à tes femmes et tes servantes de se couvrir tandis que tu retiens prisonnières les filles du messager d’Allah ? Tu as violé leurs voiles, exposant leurs visages aux yeux des inconnus et des gens de ce pays, traînées de ville en villes par les ennemis. Leurs visages ont été découverts au regard de ceux qui leur sont proches et éloignés, humbles ou nobles. Elles (les femmes) n’ont ni gardien, ni protecteur, ni même de défenseur.

Comment peut-on croire être bon, toi le fils de celle qui fit arracher le foie de ces hommes purs et qui étancha sa haine avec la chair de ces martyrs. (une allusion est faite ici à l’assassinat de Janabe Hamza, dont le foie a été arraché puis mangé par la grand-mère de Yazid, la femme de Abu Sufiyan: Hind.)

Comment une personne qui regarde les gens de la famille du Prophète avec ressentiment et hostilité, avec aversion et malice, pourrait ne pas arborer de la haine à notre égard ? Ô Yazid, as-tu songé à ce que peut penser le Messager de Dieu en nous voyant dans cet état ? Et tu oses réciter sans culpabilité et gravité qu’ils « (les mécréants vaincus à Badr) auraient fait bon accueil et auraient approuvé heureux. Puis ils auraient dit : ô Yazid ne t’arrête pas » en versant le sang de la progéniture de Muhammad (que la paix et la bénédiction d’Allah soit sur son Messager et sur sa descendance), les étoiles brillantes de la terre parmi la descendance de Abd al-Muttalib ? Tu en appelles à tes ancêtres en te lamentant ? Non ! Bientôt tu seras parmi eux, regrettant toutes ces paroles que tu as dites et toutes ces choses que tu as faites.

Ô Allah, récupère pour nous nos droits et venge-nous de ceux qui nous ont oppressés ! Fais descendre ta colère sur ceux qui ont répandu notre sang et assassiné nos gardiens. Par Allah, ce n’est nul autre que ta propre peau que tu as tailladé et nul autre que ta propre chair que tu as lacéré. Bientôt tu retourneras vers le Messager d’Allah (que la paix soit sur lui et sa descendance) avec ce poids que tu as supporté en répandant le sang de sa progéniture et souillant sa sainteté en décimant sa descendance et sa chair ! Viendra le jour où Allah les réunira, ordonnant l’ouverture de leurs affaires et restaurant les droits de chacun.

« Ne pense pas que ceux qui ont été tués dans le sentier d'Allah, soient morts. Au contraire, ils sont vivants, auprès de leur Seigneur, bien pourvus et joyeux de la faveur qu'Allah leur a accordée » (Al-’Imran 3 :169)

Il te suffit que c’est Allah qui te jugera, que Muhammad (que la paix soit sur lui et sur sa descendance) sera ton ennemi et Gabriel te demandera des comptes ! Bientôt ceux qui t’ont permis de contrôler et de diriger les musulmans sauront :

« Quel mauvais échange pour les injustes ! » (Al-Kahf 18 :50) »

« Alors, ils sauront qui a la pire situation et la troupe la plus faible » (Maryam 19 :75)

Ce sont les calamités qui me forcent à te parler ainsi. Car je méprise ta puissance et je trouve que c’est t’accorder trop d’importance que te faire des reproches et te faire trop d’honneur que de te réprimander. Mais les yeux sont en larmes et les poitrines en feu ! Combien étonnant que tu aies pu prendre l’initiative de tuer les éminents partisans de Dieu par les partisans des relâchés (au moment de la victoire de la Mecque) du démon. En nous prenant en butin, tu ne vas pas tarder à découvrir que tu es perdant, au moment où tu ne trouveras que ce que tes mains ont présentés.

Quiconque fait une bonne œuvre, c'est pour son bien. Et quiconque fait le mal, il le fait à ses dépens. Ton Seigneur, cependant, n'est point injuste envers les serviteurs. (Fussilat 41 :46)

C’est auprès d’Allah que l’on se plaint et c’est Lui qui a autorité dans l’adversité et dans l’aisance. Alors use de tes stratagèmes, déploie des efforts et montre ton hostilité avec force ! Par Dieu, tu n’effaceras pas notre mémoire et tu ne feras pas mourir notre révélation ! Tu ne connais pas notre terme et tu ne te débarrasseras pas de cette infamie. Et qu’est-ce ton avis sinon erreur ? Tes jours sont comptés et ton regroupement sera éparpillé.

Viendra un jour où un requérant viendra pour annoncer :

« Que la malédiction d'Allah (frappe) les injustes » (Hûd 11 :18)

Louange à Allah qui a achevé pour le premier d’entre nous par le bonheur et le pardon et pour le dernier d’entre nous par le martyr et la miséricorde, car il est Très Miséricordieux, Affectueux et Il tient nos comptes. Ô quel bon dépositaire.

« Allah nous suffit; Il est notre meilleur garant » (Al-’Imran 3 :173)

 

B- Le sermon de la Noble Zeinab à Kufa

 

Kufa fût la capitale de l’Irak et celui de Hazrat Ali (as). Cette ville fut aussi le lieu de résident des partisans et amis de Hazrat Ali (as). L’éloquence d’Ali (as) y était connue. Janabe Zaynab (as) y vécut en tant que fille du dirigeant. Les femmes avaient l’habitude de la saluer par les titres de « fille du Commandeur des croyants » et de « fille du Prophète de Allah. » Elle était une figure extrêmement respectée par les habitants. Mais ce jour là, elle y fut amenée en tant que prisonnière. Ceux qui l’ont toujours respecté l’observèrent avec douleur et tristesse. D’autres, qui jadis l’honoraient, firent preuve d’une grande cruauté à son égard. Elle n’avait pas de voile sur la tête et elle était assise sur le dos d’un chameau sans selle. Au lieu de ressentir du remord et des regrets après l’assassinat du petit-fils du Prophète (saww), ils étaient en train de célébrer ce crime dans la liesse et la réjouissance.

D’un côté il y avait cette masse au comportement si inhumain et de l’autre il y avait la souffrance de ces femmes sans leurs hijabs, assises sur des chameaux non sellés et précédées par les têtes de ces êtres chers, accrochés sur les lames des lances. Un groupe d’enfants assoiffés tentaient tant bien que mal de rester debout et l’Imam As-Sajjad (as), enchaîné et attaché, terminait cette macabre procession : au-dessus d’eux il y avait des hordes de spectateurs qui tournaient en dérision cette scène pathétique et cruelle. N’oubliez jamais que chaque fois qu’une personne affligée est ridiculisée, sa peine se démultiplie, s’intensifie...

Y a-t-il quelqu’un qui a songé de se mettre à la place de Janabe Zaynab (as) afin de toucher du doigt la violence de sa condition ? Ce n’est pas une tâche aisée que de relever la tête et de délivrer un sermon lorsque qu’on se trouve isolée et écrasée sous le poids d’une telle calamité. Pour être efficace, un discours doit être prononcé dans certaines conditions : l’orateur ne doit être soumis à aucune une tension mentale mais être dans un état de sérénité. Il ne doit pas être tourmenté par la soif et la faim et encore moins être submergé par la tristesse et la douleur. Aucune de ces conditions n’était remplie ce jour là. La faim et la soif de l’oratrice avaient atteint son paroxysme et elle était sujette à toutes sortes d’émotions et de contraintes physiques. Les enfants pleuraient et l’atmosphère pleine d’hostilité. Le regard de chaque spectateur était rempli de haine. Mais elle avait hérité de son père son éloquence et son autorité. Aussi, lorsqu’elle commença à s’adresser au public, elle parvint à toucher les cœurs des plus rudes des assassins. Ses mots pénétrèrent le cœur de l’auditoire comme un couteau dans la chair et leurs yeux furent bientôt humides. Les gémissements devinrent des lamentations, des larmes et des cris.

Lorsqu’elle se décida à parler, un seul de ses signes figea tout le monde, aussi bien les hommes que les animaux. Son aura, sa passion, sa domination, son autorité sur cet univers malgré toutes ces épreuves mais surtout son recul et son contrôle faisaient d’elle une personne au-dessus de tous les éloges. Elle entama alors cet incroyable sermon :

« Louange à Allah à qui nous dédions toutes nos prières et que la bénédiction soit sur mon père, Muhammad (saww), et sur sa descendance immaculée »

Janabe Zaynab (saww) utilise le mot « père pour parler du Prophète (saww). Elle n’utilise pas le mot « grand-père » uniquement pour que la foule prenne conscience de sa proximité avec le Prophète (saww). Elle montrait ainsi que tous les prisonniers qui l’accompagnaient étaient la descendance du Prophète (saww.) Elle poursuivit :

« Ô peuple de Kufa, ô peuple de la duperie et de la trahison, vous vous lamentez pour nous ! Que jamais ne tarissent vos larmes, que jamais ne se taisent vos supplications. Vous êtes semblables à celle qui défait le fil de son fuseau après l'avoir solidement tordu. Vous avez cru au Saint Prophète (saww) mais vous avez vous-même trahi votre engagement. Car, vous considérez vos serments comme un sujet d’injure entre vous. Il n’y a parmi vous que des courtisans, vaniteux, vicieux, orgueilleux et cruels. En réalité, vos agissements ne relèvent que de la flatterie de servantes à maîtresses et vous médisez en cachette comme des ennemis. Vous êtes telle une végétation sur un marécage, une prairie sur un fumier, un ornement d’argent sur un tombeau. Vos paroles sont pleines d’éclats mais vos actes sont détestables. Le mal que vous avez commis causera votre perdition et certainement le courroux d’Allah s’abattra sur vous et vous demeurerez éternellement dans le châtiment.

Vous pleurez alors que vous avez décimé de vos propres mains nos bien-aimés. Pourquoi donc gémissez-vous ? Par Allah, vous devriez pleurez abondamment et rire peu. Par ce crime et votre trahison vous ne récolterez que disgrâce et discrédit. Jamais vous ne vous débarrasserez de cette souillure. Jamais vous ne parviendrez jamais à laver cet affront : celui de l’assassinat du fils du Sceau des Prophètes (saww), le chef de la jeunesse du paradis, le refuge des meilleurs d’entre vous, l’espoir de ceux qui vivent dans l’oppression, le phare des preuves d’Allah et le guide de la Sunna. Qu’Allah vous châtie pour votre horrible méfait.

Désormais vos efforts seront vains, vos mains vont se flétrir, vos transactions vous conduiront à votre chute. Vous encourez la punition d’Allah et vous serez très certainement condamnés à la disgrâce et à l’humiliation.

Ô peuple de Kufa ! Soyez maudits ! Savez-vous quel être chéri du Prophète vous avez mis à mort et les voiles de quelles femmes vous avez offensé ? Savez-vous le sang de qui vous avez répandu et quel tabou vous avez transgressé ? La gravité de votre péché pourrait fendre les cieux, diviser la terre et réduire en poussière les montagnes. Vous avez commis un acte innommable. Il ne serait point étonnant de voir se déverser sur vous une pluie de sang et votre rétribution sera une torture encore plus terrible. Personne ne trouvera assistance et méfiez-vous, il n’y a ni répit ni sursis. Dieu ne se presse pas pour punir et Allah ne craint pas la vengeance. En vérité, votre Seigneur est à l’affût. »

L’Imam Sajjad (as) dit alors :

« Ô ma tante ! Soyez patiente. Ceux qui demeurent doivent apprendre de ceux qui les ont précédés. Par la grâce d’Allah vous êtes instruite sans avoir été enseignée. Les larmes et le chagrin ne ramèneront pas ceux qui ne sont plus de ce monde. »

Après cela, Imam Sajjad (as) tenta de s’adresser à la foule. Mais redoutant l’impact de l’éloquence de notre Imam (as), les militaires, dans le but de perturber son discours, amenèrent les têtes des martyrs et les levèrent au-dessus de la foule. La population commença à pleurer et leurs cris résonnèrent dans l’air. La tête d’Imam Hussayn (as) précédait celle des autres et tous ceux qui la voyaient, furent en larme. Voyant la tête bénie de son père, Imam As’Sajjad (as) sanglota et interrompit son sermon.