Chapitre 5 Du fait de préserver le service divin des interventions de Satan

L’une des importantes règles spirituelles de la Prière et des autres actes de service divin, règle fondamentale dont l’accomplissement est une tâche aussi grandiose que délicate, est de les préserver des interventions sataniques. Le noble verset qui décrit les fidèles comme étant « ceux qui préservent leurs Prières » (Cor. 23.9, 70.34) peut faire allusion à tous les degrés de préservation, dont l’un, qui en est le plus important, est la préservation de l’intervention de Satan.

Pour expliciter cet abrégé, [disons qu’]il est clair pour les gens de la connaissance et les maîtres spirituels que, tout comme il est pour les corps une nourriture charnelle dont ils se nourrissent et qui doit convenir à leur état et correspondre à leur condition afin que la formation physique et la croissance végétative se fassent, de même il est pour les cœurs et les esprits une nourriture qui doit être appropriée à leur état et convenir à leur condition pour qu’ils s’en nourrissent, en soient formés et qu’en résultent croissance spirituelle et progrès intérieur. Or, la nourriture qui convient à la condition des esprits, ce sont les connaissances métaphysiques, du Principe suprême de l’existence à l’ultime limite du monde de l’existence, comme l’ont exprimé les vénérables maîtres de l’art [philosophique] en disant qu’il consiste à « faire de l’homme un microcosme coïncidant avec le macrocosme en sa forme et sa perfection ». C’est là une allusion à cette nourriture spirituelle, et de même les cœurs se nourrissent des vertus de l’âme et des pratiques spirituelles.

Il faut savoir que si chacune de ces nourritures est pure de [toute] intervention de Satan et préparée de la main sanctifiée du Sceau des Envoyés et du suprême Proche-Ami de Dieu [‘Alî fils d’Abû Xâleb], Dieu les bénisse eux et les leurs, le cœur et l’esprit s’en nourrissent et réalisent la perfection qui convient à l’être humain et l’ascension jusqu’à la proximité de Dieu. La pureté de [toute] intervention de Satan, prémisse de la dévotion pure (ikhlâù), ne peut être véritablement réalisée que si, dans son cheminement, le pèlerin spirituel ne considère que Dieu et foule aux pieds l’égoïsme et l’« egolâtrie », mère de tous les vices et matrice des maux intérieurs. Cela ne saurait être pleinement réalisé chez d’autres que l’Homme universel [le Prophète Mohammad, Dieu le bénisse lui et les siens], et à sa suite l’élite des Proches-Amis, que la Paix soit avec eux, mais le pèlerin n’en doit pas désespérer des grâces occultes de la Réalité divine, car désespérer de la consolation divine surpasse tous les découragements et lassitudes et c’est l’un des plus grands péchés mortels : ce qui en est également accessible au commun des mortels fait le bonheur des gens de la connaissance.

Il incombe et s’impose donc au pèlerin de la voie de l’au-delà de mettre tout son zèle à épurer ses connaissances et pratiques de l’intervention de Satan et de l’ego impérieux, de scruter avec la plus grande acuité et pénétration ses actions et inactions ainsi que sa quête et son objet, de mettre en évidence l’objectif de son cheminement et de ses études et les origines de ses mouvements intérieurs et de ses nourritures spirituelles, de ne pas négliger les ruses de l’ego et de Satan ni être inattentif aux pièges de l’ego impérieux et du Diable, de faire preuve en tous ses faits et gestes de la plus grande défiance envers son ego sans jamais lui lâcher la bride — que n’arrive-t-il qu’à la moindre indulgence il prenne le dessus sur l’homme, le réduise à sa merci et le conduise à sa ruine et à sa perte.

En effet, si les nourritures spirituelles ne sont pas pures de l’intervention de Satan et qu’il ait quelque part à leur préparation, outre que les esprits et cœurs n’en seront pas formés ni n’arriveront à leurs perfections propres, il se produira en eux une terribles dégradation qui peut rabaisser celui qui en est atteint au rang des démons, des bêtes et des fauves, ce qui est le ferment de la félicité, de la perfection humaine et de l’accession aux états supérieurs donnant ainsi le résultat contraire et précipitant l’homme dans le gouffre ténébreux de la désolation. Nous avons ainsi vu parmi certains adeptes de la gnose terminologique des personnes que ces termes et leur approfondissement avaient conduites à l’égarement et dont elles avaient perverti les cœurs et enténébré les consciences.

La pratique des connaissances métaphysiques avait renforcé leur ego et leur égoïsme et ils proféraient des prétentions inconvenantes et des divagations sans queue ni tête. De même, il est parmi les adeptes des pratiques ascétiques et du cheminement spirituel des personnes dont l’ascèse et la pratique de la purification de l’âme ont rendu les cœurs plus troubles et les consciences plus enténébrées. Tout cela vient de ce qu’ils n’ont pas préservé leur cheminement spirituel et leur émigration vers Dieu et qu’avec l’intervention de Satan et de l’ego, leur cheminement intellectuel et ascétique fut vers Satan et vers l’ego. De même [encore], nous avons vu parmi les étudiants en sciences religieuses traditionnelles des personnes sur lesquelles le savoir avait eu une influence néfaste et dont il avait accru les vices moraux. Le savoir qui devait les conduire au salut et à la réussite avait causé leur perte et les avait conduites à l’ignorance, à la polémique, à la prétention et à la tricherie. De même [enfin], parmi les pratiquants assidus au service divin et aux rites et respectant scrupuleusement les règles et recommandations traditionnelles, il en est que le service divin et les rites, qui sont le ferment de la réforme des états intérieurs et des âmes, rendent plus troubles et enténébrés et poussent à l’infatuation, au narcissisme, à l’orgueil, à la superbe, à l'esprit de dénigrement et à avoir mauvais caractère et mauvaise opinion des serviteurs de Dieu. Cela vient là encore de n’avoir pas bien veillé sur ces potions divines.

Bien évidemment, des potions à la préparation desquelles l’infâme Démon et l’ego rebelle ont eu part ne sauraient donner jour qu’à des caractères sataniques, et comme le cœur s’en nourrit quoi qu’il en soit et qu’elles forment intérieurement l’âme, l’homme devient après quelque temps d’assiduité une engeance de Satan, éduqué de sa main et grandissant sous son contrôle. Lorsqu’il fermera ses yeux de chair pour ouvrir ceux de l’au-delà, il se trouvera être un démon et n’avoir ainsi que la perdition pour tout fruit, les regrets et lamentations ne lui servant de rien.

Donc, tel un médecin affectueux et un soignant compatissant, le pèlerin des voies de l’au-delà, dans quelque branche religieuse et voie spirituelle qu’il soit, doit en premier lieu surveiller avec le plus grand soin son état et scruter avec minutie les vices de son cheminement spirituel, puis, ce faisant, ne pas oublier dans ses moments de solitude de chercher refuge auprès de la Sainte Essence de la Réalité divine sublime et majestueuse et d’implorer et supplier au sanctissime seuil du Maître de Majesté :

« Seigneur, tu connais notre faiblesse et notre misère. Tu sais que si ta Sainte Essence ne nous prend par la main, nous ne saurions échapper à un ennemi si fort et si puissant qu’il s’en est pris aux grands Prophètes et aux sublimes Saints parfaits. Sans la lueur de ta grâce et de ta miséricorde, ce puissant ennemi nous fera mordre la poussière de la perdition et nous fera errer dans les ténèbres et la désolation. Je t’en conjure par les élus de ton parvis et les intimes de ta cour, prends nos mains d’éperdus dans le val de l’égarement, de fourvoyés dans les solitudes de l’errance, et purifie nos cœurs de la fausseté, de l’idolâtrie et du doute, car tu es en vérité le maître de la guidance. »