Introduction

Sache que, en dehors de cette forme et de cette apparence extérieure, la Prière a une réalité spirituelle et intérieure. Or, tout comme l’apparence extérieure a des règles dont le non-respect entraîne l’invalidité ou l’imperfection de la Prière formelle, de même la réalité intérieure a des règles qui relèvent du cœur et du for intérieur, en sorte que, si on ne les respecte pas, la Prière spirituelle se trouve invalidée ou imparfaite, alors que si on les respecte, la Prière se voit dotée d’un esprit relevant du malakût. Il se peut qu’après s’être montré vigilant et préoccupé de ces règles spirituelles et intérieures, l’orant pénètre quelque peu le secret divin de la Prière des gens de la connaissance et des compagnons du cœur, or ce [secret] est la joie des gens du pèlerinage spirituel et la réalité de l’ascension auprès du Bien-aimé.

Outre le fait que ce qui vient d’être dit – à savoir que la Prière a une réalité intérieure et une forme suprasensible relevant du malakût – est conforme à une certaine forme de démonstration et correspond aux dévoilements contemplatifs des compagnons du pèlerinage spirituel et de l’ascèse, il y a aussi de nombreux versets coraniques et hadiths qui l’indiquent, de manière générale ou spécifiquement, et nous allons bénir ces pages en citant certains d’entre eux.

Ainsi, la parole de Dieu le Très-Haut : « Le jour où toute âme trouvera présent ce qu’elle a fait de bien et de mal, elle souhaitera s’en trouver fort loin » (Cor. 2.30). Ce noble verset indique que toute personne verra ses bonnes et mauvaises actions présentes et qu’elle contemplera leur forme intérieure et suprasensible. De même, dans un autre noble verset, Il dit : « Ils trouveront ce qu’ils ont fait présent » (Cor. 18.49), et dans un autre encore : « Celui qui fait un atome de bien le verra et celui qui fait un atome de mal le verra » (Cor. 99.7-8), ce qui indique que l’âme verra les actes.

Quant aux nobles hadiths à ce propos, ils sont trop nombreux pour tenir dans ces pages et nous nous contenterons d’en citer quelques uns.

Ainsi, dans les Wasâ’el [ash-shî‘a], il est rapporté de l’Imam %âdeq, que la Paix divine soit avec lui, qu’il a dit : « Celui qui fait les Prières obligatoires au début de leur temps et en observe les normes, un ange fait monter [sa Prière] au ciel blanche et immaculée, et elle dit : “Que Dieu te préserve comme tu m’as préservée ; tu m’as confiée à un ange noble !”. Et celui qui les prie après leur temps sans aucune raison valable et qui n’en observe pas les normes, un ange fait monter [sa Prière] noire et ténébreuse, et elle crie : “Que Dieu te gâche comme tu m’as gâchée et qu’il n’aie pas d’égard pour toi comme tu n’en as pas eu pour moi”. »

En plus d’indiquer l’existence des formes suprasensibles du malakût, ce hadith indique aussi qu’elles sont vivantes, ce qui est prouvé par ailleurs et encore indiqué par d’autres versets et hadiths. Ainsi, Dieu le Très-Haut dit : « En vérité, c’est la demeure de l’autre monde qui est vie » (Cor. 29.64). Il y a encore d’autres hadiths allant dans le même sens que celui [qui vient d’être cité], mais il serait trop long de les mentionner.

Une tradition rapportée de l’Imam %âdeq, que la Paix divine soit avec lui, dit : « Lorsque le fidèle entre dans sa tombe, la Prière se trouve à sa droite, la zakât se trouve à sa gauche, le bien qu’il a fait le recouvre de son ombre [ou, selon certains manuscrits, le surplombe] et l’endurance se trouve là dans un coin. Lorsque les deux anges chargés de l’interroger entrent, l’endurance dit à la Prière, à la zakât et au bien : “A vous d’aider votre compagnon, et si vous en êtes incapables, je suis là.” » Ce noble hadith a été rapporté dans le vénérable Kâfî selon deux chaînes de transmetteurs et le Shaykh %adûq, que Dieu lui fasse miséricorde, l’a rapporté dans Thawâb al-a‘mâl. Il indique clairement l’existence de formes suprasensibles dans le monde intermédiaire ainsi que le fait qu’elles sont dotées de vie et de conscience. Et les hadiths évoquant les formes sous lesquelles apparaissent le Coran et la Prière dans le malakût sont légion.

Quant à ce qui a été dit, comme quoi la Prière et les autres actes de culte ont, en dehors de leurs règles formelles, des règles spirituelles, sans lesquelles la Prière est imparfaite, voire même totalement refusée, cela sera évoqué, si Dieu veut, au courant de ces pages qui seront un inventaire de ces règles spirituelles.

Ce qu’il faut savoir à ce propos, c’est que se contenter de la forme extérieure et de l’écorce de la Prière et rester privé de ses bénédictions et de ses perfections intérieures qui amènent la félicité éternelle et, plus encore, qui conduisent au voisinage du Seigneur Tout-Puissant et sont les marches de l’ascension aboutissant à l’union avec le Bien-aimé absolu – ce qui est la suprême ambition des awliyâ’, l’ultime aspiration des compagnons de la connaissance et même la joie du seigneur des Envoyés, que Dieu prie sur lui et sa famille –, [rester privé de tout cela] constitue un des plus hauts degrés de dommage et de perte et entraînera, après la sortie de cet état d’être et l’arrivée là où se font les comptes avec Dieu, des regrets que notre intelligence ne peut saisir. Tant que nous sommes dans le voile du Royaume de ce monde et dans l’engourdissement de la nature, nous ne pouvons saisir quelque chose de cet autre monde, alors que, de loin, nous avons la main sur le feu [de l’Enfer]. Quels regrets et remords, quelles pertes et dommages pourraient être plus grands que cela ? Ce qui est pour l’homme le moyen d’arriver à la perfection et à la félicité, qui est le remède aux imperfections du cœur et qui est en sa réalité essentielle la forme de perfection de l’être humain, après y avoir peiné quarante ou cinquante ans, nous n’en avons pas tiré le moindre profit spirituel, et cela peut facilement devenir le germe de ternissures en nos cœurs et de voiles ténébreux ! Ce qui est la joie du plus noble Envoyé, que Dieu prie sur lui et sa famille et leur donne la Paix, entraîne l’affaiblissement de notre regard intérieur ! « Hélas ! Que n’ai-je pas gâché du côté de Dieu ! » (Cor. 39.56).

Très cher, retrousse donc les manches des hautes aspirations et mets-toi virilement en quête : aussi pénible et fatiguant que ce soit, réforme tes états d’âmes, acquiers les conditions spirituelles de la Prière des gens de la connaissance et tire profit de ce baume divin qui nous est venu par le parfait dévoilement de Mohammad, que Dieu prie sur lui et sa famille, pour remédier à tous les maux et imperfections des âmes ! Tant que c’est encore possible, sors de cette demeure de ténèbres, de regrets et de remords et du puits profond de l’exil loin du saint parvis de la Seigneurie sublime et majestueuse ! Sauve-toi et attache-toi au moyen d’ascension vers l’union et vers la proximité de la perfection, car si ce moyen fait défaut, les autres moyens sont sans espoir : « Si [la Prière] est acceptée, le reste [des œuvres] l’est aussi, et si elle est rejetée, le reste l’est aussi. »

Nous allons exposer, dans la mesure du possible et de ce qui s’impose, les règles intérieures de ce pèlerinage spirituel : peut-être que l’un de mes frères dans la foi en profitera quelque peu, ce qui à son tour vaudra peut-être la miséricorde divine et la sollicitude de l’au-delà à [l’auteur de ces lignes], resté en plan sur la voie de la félicité et de l’humanité et enchaîné dans les geôles de la nature physique et de l’égocentrisme, car Il est celui qui décide des faveurs et de la grâce.