Mohammad ferma les yeux un instant, puis reprit dans un souffle

Avant de tomber moi-même, j'ai entendu le cri d'Aoun. Jc n'ai plus besoin d'aide maintenant. Va trouver Aoun, mon oncle, avant qu'il ne soit trop tard !

A peine avait-il prononcé ces mots que ce qui restait en lui de vie s'échappa.

L'Imam Houssein chercha dans ta direction d'ou était venu l'appel d'Aun. Quand il trouva son corps, le dernier souffle en était déjà parti. Il souleva dans ses bras et serra contre sa poitrine le garçon sans vie.

Portant le corps d'Aun dans ses bras, l'Imam Houssein marcha jusqu'au campement. Abbas courut à sa rencontre :

- Laisse-moi transporter Aun jusqu'à sa dernière demeure, pendant que tu retourneras chercher Mohammad. Je suis encore vivant, mon Maître.

Laisse-moi partager ton fardeau et ta peine !

L'Imam Houssein tendit le corps exsangue à Abbas, et alla chercher son autre neveu. Quand Zaynab vit les deux corps sans vie, elle s'effondra sur eux en pleurant :

- Mes enfants chéris ! Quelle mère pourrait envoyer ses fils à la mort comme je l'ai fait aujourd'hui ?

ô mes chéris vous avez quitté ce monde en souffrant de la soif. Mais votre grand-père Ali va maintenant étancher votre soif avec l'eau des sources du Paradis.

***

Comme c'était l'usage dans l'armée de Yazid, les tambours retentirent pour saluer la mort des deux jeunes garçons, ou plutôt leur misère. Puis ils cessèrent, remplacés par tes cris sauvages de la horde ivre de haine, assoiffée de carnage. réclamant du sang encore, du sang toujours !

Lorsque Zaynab était intervenue pour que l'Imam Houssein permette à Aun et à Mohammad d'aller au combat, Qasim s'était hâté d'aller voir sa mère. IL lui avait raconté avec amertume ce qui s'était passé.

Il avait conclu:

- Si je ne dois pas mourir en Martyr aujourd'hui, quel intérêt présentera pour moi la vie ? Suis je destiné à être esclave, et à ne marcher dans les rues que pour gagner ma prison ?

Omm Farva se souvint de ce que l'Imam Hassan, son époux, lui avait confié juste avant de mourir, qu'un jour Qassim serait désespéré au-delà de toute description. Il lui avait remis une lettre cachetée qu'elle devrait lui donner alors. Elle chercha la lettre, et la tendit à Qassim. Les doigts tremblant d'impatience et d'angoisse, celui-ci brisa le sceau. IL déplia la lettre et lut :

- Mon enfant. Quand cette lettre te parviendra, j'aurai cessé de vivre depuis longtemps. Quand tu liras ceci, tu seras déchiré par un conflit entre ton désir intense de faire ton devoir et de montrer ton amour pour ton oncle Houssein, et l'amour que celui te porte et qui le pousse à t'empêcher de remplir tes obligations. C'est en prévision de ce jour que je t'écris cette lettre. j'y joins une autre, qui lui est destinée. Remets-la à ton oncle. IL te laissera accomplir ce que ton cœur désire ! Qassim, quand tu liras cette lettre, le temps de notre séparation sera prêt de finir. Hâte-toi. mon enfant ! je t'attends !

Qasim, transporté de joie, replia la lettre et fit ses adieux à sa mère. IL courut porter le message à son oncle. Mais celui-ci, Abbas à ses cotés, surveillait les péripéties du combat d'Aun et de Mohammad.

Qassim ne voulut pas déranger son oncle en un tel moment. Aussi décida t-il d'attendre Quand les corps d'Aun et Mohammad eurent été rendus à leur mère. Qasim s'approcha de son oncle. Ne sachant que dire. il tendit simplement la lettre. L'Imam Houssein reconnut au premier regard l'écriture de son frère. Surpris il l'ouvrit. Il lut le message qui lui était destiné :

- Mon cher Houssein, quand tu liras cette lettre. tu seras assailli de toutes parts de soucis et de chagrins. Les corps sans vie de tes proches joncheront le sol partout autour de toi. Je ne serai plus là pour donner ma vie pour toi, mais je laisse derrière moi Qasim, qui sera mon représentant auprès de toi. Houssein, je te demande de ne pas repousser mon offre. Au nom de l'amour que tu me portes, laisse Qasim combattre pour te défendre.