Pourquoi ne te lèves-tu pas ? Pourquoi ne t'en vas-tu pas ? Qui es-tu ?

Je ne sais pas où aller. Je suis étranger... Je viens de la ville de l'Envoyé de Dieu. Je suis ici depuis quelques semaines, à l'invitation des habitants de Koufa. Ils étaient plusieurs milliers à m'acclamer quand je suis arrivé. Aujourd'hui, pas un seul n'accepterait que je pénètre dans sa maison...

- Tu es Mouslim ! Tu es celui que la police recherche ! Entre vite dans ma maison ! Que Dieu te bénisse, ma mère ! Mais je ne peux accepter ton offre, tu courrais un danger trop grand.

- Entre, te dis je ! Tu es l'envoyé de Houssein ! Tu es le cousin et l'homme de confiance de mon Imam! Comment pourrais je affronter Fatima la Resplendissante, le Jour du Jugement, quand elle me dira : "Tawah, l'envoyé de mon Houssein est venu vers toi, pourchassé par la police de Yazid, sans ami, sans défenseur, et tu l'as repoussé..." Entre te cacher chez moi, mon enfant ! Mouslim entra. IL se cacha dans un coin de la maison. Comme s'il pressentait que cette nuit était sa dernière nuit, il décida de veiller en Prière.

Quand le fils de Tawah rentra à la maison, la vieille dame ne sut pas lui cacher qu'elle avait offert asile à l'homme que toutes les polices du Calife recherchaient. Endormant la méfiance de sa mère par un mensonge, le traître trouva un prétexte pour sortir en pleine nuit. Il se précipita au palais d'Obeidoullah. Quand il retourna chez lui, soixante dix hommes armés jusqu'aux dents l'accompagnaient. Mouslim entendit le pas des chevaux. Il comprit ce qui se passait. Il se leva d'un bond, l'épée à la main, et se précipita vers la porte. Tawah aussi avait entendu, et elle avait compris que son fils les avait trahis. Elle supplia Mouslim de ne pas douter d'elle, et il l'assura qu'il était convaincu de sa sincérité.

Mouslim bondit dans la ruelle. IL se retrouva face à face avec les hommes de main d'Obeidoullah. Pendant plusieurs heures il se battit contre ceux qui venaient l'arrêter. Ceux-ci, impuissants à le vaincre blessèrent en lui lançant de loin des flèches, des pierres, des objets enflammés. Puis ils l'obligèrent à se replier vers un endroit où ils avaient creusé un piège dans le sol. Ils purent ainsi s'emparer de lui.

Mouslim fut conduit au palais du Gouverneur. Obeidoullah ordonna qu'on lui tranche la tête. Puis le corps du premier Martyr du Soulèvement de l'Imam Houssein fut jeté du haut des murailles du palais.

Hani fut conduit au marché aux moutons de Koufa, pour y être lui aussi décapité. Il appela les membres de sa tribu :

A moi les Mazij ! Je suis Hani fils d'Orwah, votre chef ! N'y a-t-il donc aucun Mazij pour venir me défendre aujourd'hui ?

Mais le climat de terreur qu'Obeidoullah faisait régner depuis quelques jours commençait à produire ses effets. La rumeur courait aussi que l'armée de Damas était presque aux portes de la ville.

ent mille hommes appelés en renfort… Pas un seul Mazij ne vint au secours de son chef. La tête de Hani aussi fut tranchée.

Les corps des deux Martyrs furent traînés derrière des chevaux dans les rues de Koufa, pour effrayer davantage la population.

Leurs têtes furent envoyées à Damas, en cadeau, à Yazid, le Calife omayyade.

***

Avant l'arrivée à Koufa d'Obeidoullah, le Gouverneur nommé par Yazid, et de ses troupes, Mouslim avait écrit à l'Imam Houssein pour l'informer de l'avancement de la mission dont celui-ci l'avait chargé. Les habitants de Koufa, et ceux d'autres villes d'Iraq, avaient envoyé lettres et délégations à l'Imam Houssein:

- Nous t'attendons, ô fils de l'Envoyé de Dieu ! Nous ne voulons pas d'autre Calife que toi ! Viens, mets-toi à la tête de nos armées. Viens ! Ne nous abandonne pas !

Mais il fallait être prudent. Les gens de l'Iraq avaient déjà trahi et l'Imam Ali et l'Imam Hassan. Mouslim devait apprécier le degré de sincérité de ces messages, et organiser la venue à Koufa de l'Imam. La situation lui avait paru propice à un soulèvement, et il en avait informé son cousin, l'Imam Houssein.

Quand il avait reçu la lettre de Mouslim, l'Imam Houssein avait décidé de partir sans plus attendre. Il avait toute confiance en son cousin. IL craignait d'autre part que Yazid fils de Moawiyah, le Calife omayyade, ne le fasse assassiner à La Mecque. Et il ne voulait pas que la Ville Sainte, où il est interdit de tuer même un insecte, soit profanée par son propre sang.

Il avait donc quitté l'enceinte sacrée le 8 du mois de Zoul-Hijja de l'an 60 de l'hégire, la veille du Jour d'Arafat. A quelqu'un qui s'étonnait qu'il n'attende pas la fin du Pèlerinage, il avait répondu qu'il allait s'offrir lui-même en Sacrifice, en Iraq.

En chemin, il rencontra des pèlerins qui lui donnèrent quelques informations :

- Les cœurs des gens sont avec toi, mais leurs épées sont plutôt du côté des Omayyades... Après tout, c'est au Ciel que se décide le destin, et Dieu fait ce qu'IL veut !

A mesure qu'il avançait vers l'Iraq, le cortège qui accompagnait l'Imam Houssein grossissait. Un messager fut envoyé à Koufa.

Capturé, il lui fut ordonné, en échange de la vie sauve, de monter en chaire à la Mosquée et d'y injurier le petit-fils du Prophète. Mais au lieu de cela, le courageux compagnon de l'Imam appela les gens à se soulever contre Obeidoullah et son maître Yazid. Il fut jeté vivant du haut des murs du palais. Un second messager de l'Imam Houssein subit le même sort. Des nouvelles sur la réalité de la situation parvinrent enfin à l'Imam Houssein. IL ordonna de faire halte, et s'adressa à ceux qui l'accompagnaient :

- Nos Partisans nous ont abandonnés. Que ceux qui veulent s'en aller s'en retournent chez eux. Ils n'ont pas d'obligation envers nous.

Tous ceux qui avaient rejoint le cortège en cours de route se dispersèrent. Seuls restèrent avec l'Imam Houssein les proches et les Chiites qui l'accompagnaient depuis La Mecque, ainsi que les femmes et les enfants de la Famille du Prophète.

L'Imam Houssein et ses compagnons reprirent leur marche. Ils furent bientôt interceptés par un premier détachement de l'armée de Yazid, et contraints de changer de route. Le 2 du mois de Mohamam de l'an 61 de l'hégire, ils se heurtèrent à un autre corps d'armée fort de quatre mille hommes. Ils furent obligés de s'arrêter.- Comment s'appelle cet endroit, demanda l'Imam Houssein ?- Karbala !- ô mon Dieu ! Je cherche Ta Protection contre l'affliction [Karb] et le malheur [Bala] !

Et il ajouta :

Descendez de vos montures. Nous sommes arrivés au terme de notre voyage. C'est ici que nous allons verser notre sang et que nous serons enterrés. C'est ce que m'a confié mon grand-père, l'Envoyé de Dieu! Le 7 Moharram, l'armée prit position pour empêcher les compagnons de l'Imam Houssein d'accéder à !'Euphrate et les priver ainsi d'eau. Le 8 Moharram, les hommes de Yazid se rapprochèrent du campement de l'Imam, et au fil des heures montrèrent de plus en plus d'agressivité. Ils tenaient leurs épées et leur lances prêtes, comme s'ils allaient donner l'assaut. Les incidents se multipliaient.